Si après cela il ne m'écrit pas, je le maudis lui et sa grosse marchande en gros: je m'applique déjà à composer la formule de ma malédiction. Dieu! que c'est embarrassant d'avoir des amis qui sont en train de se marier.
En arrivant ici j'ai trouvé un chaos de commérages dans la maison; j'y ai mis de l'ordre autant que possible, quand on a à faire à trois ou quatre femmes qui ne veulent pas entendre raison: pardonnez — moi, si je parle ainsi de votre sesque ou sexe charmant, mais hélas! si je vous le dis c'est aussi une preuve que je vous crois une exception. — Enfin quand je reviens à la maison, je n'entends que des histoires, des histoires — des plaintes, des reproches, des suppositions, des conclusions, — c'est quelque chose d'odieux, pour moi surtout qui en ai perdu l'habitude au Caucase, où la société des dames est très rare, ou très peu causante (celle des géorgiennes par ex<emple>, car elles ne parlent pas russe, ni moi géorgien).
Je vous prie, chère Marie, écrivez-moi un peu, sacrifiezvous, — écrivez-moi toujours, et ne faites pas de ces petites cérémonies — vous devez être au-dessus de cela! — car enfin si quelquefois je tarde à répondre, c'est que vraiment ou je n'ai rien à dire, ou j'ai trop à faire! — deux excuses valables.
J'ai été chez Joukofsky, et lui ai porté Тамбовскую казначейшу qu'il m'avait demandé, et qu'il porta à Wiazemsky pour lire ensemble; cela leur a beaucoup plu, — et cela sera inséré au prochain numero du Современник.
Grand'maman espère que je serai bientôt passé au husard de Царское Село, mais c'est parce que on le lui a fait espérer, dieu sait avec quel motif — et c'est pour cela qu'elle ne consent pas à ce que je prenne mon congé: quant à moi je n'espàre rien du tout.
Pour la conclusion de ma lettre je vous envoie une pièce de vers que j'ai trouvée par hasard dans mes paperasses de voyage, et qui m'a plu assez, vu que je l'ai oublié, — mais cela ne prouve rien du tout.
Я, матерь божия, ныне с молитвою,
Пред твоим образом, — ярким сиянием, —
Не о спасении, не перед битвою,
Не с благодарностью иль покаянием;
Не за свою молю душу пустынную,
За̀ душу странника в свете безродного: —
Но я вручить хочу деву невинную
Теплой заступнице мира холодного.
Окружи счастием счастья достойную,
Дай ты ей спутников полных внимания,
Молодость светлую, старость покойную, —
Сердцу незлобному мир упования;
Срок ли приблизится часу прощальному,
В утро ли шумное, в ночь ли безгласную,
Ты восприять пошли к ложу печальному
Лучшего ангела душу прекрасную.
Adieu, chère amie — embrassez Алексия, et dites lui que c'est une honte, — et dites le aussi à mademoiselle Marie Lapouchine. —
Lerma.
<См. перевод в примечаниях>
Июня 8 дня <1838 г.>
Любезный друг Святослав,
Твое последнее письмо огорчило меня: ты сам знаешь почему; но я тебя от души прощаю, зная твои расстроенные нервы. Как мог ты думать, чтоб я шутил твоим спокойствием или говорил такие вещи, чтобы отвязаться. Главное то, что я совсем этого не говорил или пусть говорил, да не про то. Я сказал, что отзыв непокорен к начальству повредит тебе тогда, когда ты еще здесь сидел под арестом и что без этого ты, может быть, остался бы здесь.
Я слышал здесь, что ты просился к водам, и что просьба препровождена к военному министру; но резолюции не знаю; если ты поедешь, то, пожалуйста, напиши, куда и когда. Я здесь по-прежнему скучаю; как быть? покойная жизнь для меня хуже. Я говорю покойная, потому что ученье и маневры производят только усталость. Писать не пишу, печатать хлопотно, да и пробовал, но неудачно.
Роман, который мы с тобою начали, затянулся и вряд ли кончится, ибо обстоятельства, которые составляли его основу, переменились, а я, знаешь, не могу в этом случае отступить от истины.
Если ты поедешь на Кавказ, то это, я уверен, принесет тебе много пользы физически и нравственно: ты вернешься поэтом, а не экономо-политическим мечтателем, что для души и для тела здоровее. Не знаю, как у вас, а здесь мне после Кавказа всё холодно, когда другим жарко, а уж здоровее того, как я теперь, кажется, быть невозможно. О Юрьеве скажу тебе: вообрази, влюбился в актрису, вышел в отставку, живет у Балабина, табак и чай уж в долг не дают и 30.000 долгу, и вон из города не выпускают, — видишь: у всякого свои несчастия.
Прощай, любезный друг, и прошу тебя, будь уверен во мне и думай, что я никогда не скажу и не сделаю ничего тебе огорчительного. Прощай, милый друг, бабушка также к тебе пишет.
М. Лермонтов.
<Конец 1838 г.>
Il y a longtemps, chère et bonne amie, que je ne vous ai écrit et que vous ne m'avez donné de nouvelles de votre chère personne et de tous les vôtres; aussi j'ai l'espérance que votre réponse à cette lettre ne se fera pas longtemps attendre: il y a de la fatuité dans cette phrase, direz-vous; mais vous vous tromperez. Je sais que vous êtes persuadée que vos lettres me font un grand plaisir puisque vous employez le silence comme punition; mais je ne mérite pas cette punition car j'ai constamment pensé à vous, preuve: j'ai demandé un semestre d'un an, — refusé, de 28 jours — refusé, de 14 jours — le grand duc a refusé de même; tout ce temps j'ai été dans l'espérance de vous voir; je ferai encore une tentative — dieu veuille qu'elle réussisse. — Il faut vous dire que je suis le plus malheureux des hommes, et vous me croirez quand vous saurez que je vais chaque jour au bal: je suis lancé dans le grand-monde: pendant un mois j'ai été à la mode, on se m'arrachait. C'est franc au moins. — Tout ce monde que j'ai injurié dans mes vers se plait à m'entourer de flatteries; les plus jolies femmes me demandent des vers et s'en vantent comme d'un triomphe. — Néanmoins je m'ennuie. — J'ai demandé d'aller au Caucase — refusé. — On ne veut pas même me laisser tuer. Peut-être, chère amie, ces plaintes ne vous paraîtront-elles pas de bonne foi? — peutêtre vous paraîtra-t-il étrange qu'on cherche les plaisirs pour s'ennuyer, qu'on court les salons quand on n'y trouve rien d'intéressant? — eh bien je vous dirai mon motif: vous savez que mon plus grand défaut c'est la vanité et l'amour-propre: il fut un temps où j'ai cherché à être admis dans cette société comme novice, je n'y suis pas parvenu; les portes aristocratiques se sont fermées pour moi: et maintenant j'entre dans cette même société non plus en solliciteur, mais en homme qui a conquis ses droits; j'excite la curiosité; on me recherche, on m'engage partout, sans que je fasse mine de le désirer même; les femmes qui tiennent à avoir un salon remarquable veulent m'avoir, car je suis aussi un lion, oui, moi — votre Michel, bon garçon, auquel vous n'avez jamais cru une crinière. — Convenez que tout cela peut énivrer. Heureusement ma paresse naturelle prend le dessus; et peu à peu je commence à trouver tout cela par trop insupportable: mais cette nouvelle expérience m'a fait du bien, en ce qu'elle m'a donné des armes contre cette société, et si jamais elle me poursuit de ses calomnies (ce qui arrivera) j'aurai du moins les moyens de me venger; car certainement nulle part il n'y a tant de bassesses et de ridicules. Je suis persuadé que vous ne direz à personne mes vanteries, car on me trouverait encore plus ridicule que qui que cela soit, et puis avec vous je parle comme avec ma conscience, et puis c'est si doux de rire sous-cape des choses briguées et enviées par les sots, avec quelqu'un, on le sait, est toujours prêt à partager vos sentiments; c'est vous que je parle, chère amie, je vous le répète, car ce passage est tant soit peu obscur.